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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 23:53

La police croyait débusquer en Savoie des militants anti-nucléaires alsaciens recherchés... pour collage illégal d’affiches. Mais l’enquête s'est avérée être un joli raté.

L'histoire débute le 11 février dernier quand Anne-Sophie Cordoeiro, présidente de l'association Sortir du nucléaire 73, reçoit un appel un peu spécial sur son téléphone portable. C'est le commissariat de Chambéry. « On me demande pourquoi je ne me suis pas présentée au commissariat suite à la convocation qui m'a été adressée à la Maison des associations (MDA) ». Très étonnée, la militante anti-nucléaire demande des précisions à son interlocuteur. « Le gardien de la paix m'explique alors qu'une enquête a été menée depuis Colmar suite à un affichage sauvage effectué lors de la manifestation pour la fermeture de la centrale de Fesseinheim, en octobre dernier. Le Réseau Sortir du nucléaire serait donc exposé à des poursuites et devrait être condamné à une amende. »

Anne-Sophie Cordoeiro explique alors que Sortir du nucléaire 73 n'est qu'une des 840 associations adhérentes au Réseau Sortir du nucléaire et que sa responsabilité juridique ne peut donc pas être engagé pour cette histoire... avant de couper court à la conversation téléphonique. « Je n'étais pas sûr de parler vraiment à un gardien de la paix. L'histoire était tellement hallucinante que, plus la discussion avançait, plus je croyais à une blague d'un ami. »

« Le policier semblait agacé de perdre son temps »

Le lendemain, elle reçoit une convocation écrite pour « affichage sauvage du Réseau Sortir du nucléaire », cette fois-ci directement à son domicile. « Je n'ai même pas eu le temps de vérifier que nous avions effectivement reçu une convocation à la MDA, le siège social de notre association. » Ni une ni deux, elle décide tout de même de s'y rendre et constate que deux convocations au commissariat lui avaient déjà bien été adressées, une première daté du 3 février et une seconde du 11 février. Mais là, nouvelle surprise. « Ces deux courriers m'ont été envoyés par Althus et non pas par La Poste ! Il faut donc croire que les organes de l'Etat préfèrent le privé au public ».  Anne-Sophie Cordoeiro n'en revient toujours pas, mais c'est désormais certains : l'appel téléphonique de la veille n'était pas un canular.

Le 19 février, elle se présente donc au commissariat situé avenue de la Boisse, à Chambéry. « C'était la première fois pour moi ! Et en plus, j'ai dû m'absenter pendant mes heures de travail et en expliquer les raisons à mon directeur... c'est jamais facile ! » Anne-Sophie est néanmoins sereine, puisqu'elle n'a rien à se reprocher. Elle explique à nouveau aux forces de l'ordre la différence entre les deux associations, Sortir du nucléaire 73 et Réseau Sortir du nucléaire, avant d’indiquer le site internet de la seconde (www.sortirdunucleaire.org) lorsque le gardien de la Paix lui demande qui en est le responsable. Rien d'extraordinaire en somme, vu que toutes ces informations sont accessibles sur Internet en seulement quelques clics. « Le policier a été très correct, confie la militante. Il semblait même agacé de perdre son temps "grâce" à ces collègues de Colmar. »

« Cette histoire ridicule n'a pour moi rien d'étonnant ! »

Le gardien de la Paix en profite tout de même pour savoir si notre militante savoyarde était à Colmar les 3 et 4 octobre 2009... On ne sait jamais. Elle lui répond par l'affirmative, en précisant qu'elle manifestait à titre personnel. Avec un peu de recul, Anne-Sophie Cordoeiro ne trouve pas cette histoire si étonnante que cela par rapport au contexte dans lequel s'est déroulée cette manifestation dénonçant le projet de poursuite de l'exploitation de la centrale nucléaire de Fesseiheim, la plus vieille encore en activité en France. « Les jours précédents, une pression énorme a été faite sur les associations anti-nucléaires. Des forces de l'ordre ont été déployées dans toute la ville le samedi 3, le parcours de la manifestation interdit. Colmar paraissait en état de siège. Les manifestants, mais aussi les habitants, étaient pris en otage. »

Avant de quitter le commissariat, Anne-Sophie Cordoeiro a quand même pu voir les photos des affiches pour lesquelles le Réseau Sortir du nucléaire est poursuivi... Nouvelle surprise. « Il n’y en avait que deux ! » Les forces de police ont donc menées, cinq mois durant, de Colmar à Chambéry, une enquête pour deux affiches collées illégalement... enquête qui s'avère finalement être un joli raté. Aujourd'hui, la présidente de Sortir du nucléaire 73 oscille entre amusement et inquiétude. « L'Etat français du nucléaire a-t-il tellement peur des associations anti-nucléaires qu'il est prêt à dépenser autant d'énergie et d'argent pour empêcher toutes formes de contestation ? »

Mikaël Chambru

 

 

http://www.lavoixdesallobroges.org/reportage/174-enquete-contre-les-anti-nuceaires

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